Philippe FABRY, Formateur ES
Bruxelles, Belgique – mai 2016
Rencontre entre les étudiants ES (Éducateurs Spécialisés) de l’IRTS Paris Île-de-France et les étudiants de 2ème année AS (Assistants Sociaux) de l’IFSCS de Bruxelles
Préparée grâce à l’intervention de Cécile HEES, Sylvie TOUSSAINT et Michel GUISSARD
18 mai 2016 – HAUTE ECOLE DE TRAVAIL SOCIAL IFSCS DE BRUXELLES – Bruxelles, Belgique.
Apports
Cela nous a donné l’opportunité de participer à un cours tout à fait particulier et exceptionnel : le résultat d’un travail associant trois cours (cours de droit, cours de sociologie, cours de déontologie) et un partenariat avec les terrains professionnels : le comité de vigilance du travail social représenté par Christiane VAN HANOVEN et l’union des villes de Wallonie, représentée par Valérie DE SUMMER.
Alors que les formations à la déontologie sont historiquement au cœur de la formation des AS, ce n’est pas le cas dans la formation des Éducateurs Spécialisés.
C’est lié à l’histoire et on en retrouve la trace dès la création du métier d’AS autour des débats sur la nécessité du secret professionnel. Le débat initial, et qui reste actuel peut se résumer ainsi :
« La déontologie constitue une référence commune permettant aux Assistants Sociaux d’apprécier la conduite à adopter dans les situations professionnelles diverses et de trouver l’équilibre entre les obligations tant envers l’employeur qu’envers les personnes qui font appel à eux. »
Les premières assistantes sociales tenaient beaucoup à ce principe : « nous sommes d’abord au service des familles, avant de l’être à celui de nos institutions. » – source – code Belge
Présentation de la rencontre
« Comme convenu, via Cécile Hees, nous vous attendons avec vos étudiants ce mercredi 18 mai de 10h à 13h pour participer à la séance d’éthique et déontologie du travail social avec nos étudiants de 2e Bach Assistant Social.
Ces étudiants ont reçu un texte décrivant une situation d’accompagnement social qui pose des questions d’ordre éthique et déontologique. Ils ont travaillé en groupe autour de ces situations et vont nous présenter le fruit de leurs investigations lors de cette séance. Il s’agit d’une situation de suspicion de « fraude sociale » pour l’une et d’une situation de suspicion de « radicalisation » pour l’autre.
Nous aurons également la présence d’un invité de terrain pour réagir aux présentations des étudiants.
Je vous envoie les deux textes reprenant les situations afin que vous et vos étudiants puissent les lire avant la séance. »
Les situations
1. Madame KEOUIKENON se pose bien des questions…
Madame Padbeurdan vit à Lesépinar. Son ménage a volé en éclats quand son mari l’a quittée, la laissant seule avec un gamin. Celui-ci a aujourd’hui 20 ans, il n’a pas de formation particulière, il vit seul, il peine à trouver du travail et bénéficie actuellement du minimum du chômage. Madame Padbeurdan a longtemps fait les ménages. Aujourd’hui, elle a des douleurs au dos qui l’empêchent de continuer. Sans autre revenu, elle bénéficie d’un RIS (revenu d’intégration sociale) du CPAS (Centre public d’action sociale) de sa commune.
Les finances du CPAS de Lesépinar ne sont pas florissantes. Le chômage dans la région atteint 18 %. L’usine du coin a mis la clé sous le paillasson il y a quelques années et plusieurs chômeurs ont fini par être privés de leurs droits. Ils ont dû se rabattre sur le CPAS, en grossissant le nombre de « clients » habituels. Le directeur du CPAS a la fibre managériale. Informatiser les services, les connecter à la Banque Carrefour et aux autres services sociaux où c’est possible… Imaginer des procédures de travail routinières de sorte à augmenter le nombre de dossiers que chaque AS doit suivre… Bref, être « EFFICACE » !
Le directeur peut compter sur l’appui d’une cheffe du service social qui pense que « quand on veut, on peut », que, sauf cas particulier, il n’y a pas de raison de rester longtemps au CPAS. Si les gens ont des droits, dit-elle, ils ont aussi des devoirs que son service a pour mission de faire respecter, en luttant contre la fraude sociale. Pour ce faire, elle préconise à ces assistants sociaux de rendre des visites inopinées aux bénéficiaires ; en cas d’absence de ceux-ci, d’exiger des explications solides justifiant leur emploi du temps ; de vérifier scrupuleusement par les extraits bancaires les rentrées d’argent et le type de dépenses des bénéficiaires…
Dans l’équipe des travailleurs sociaux, il y a des tensions régulières entre, grosso modo, ceux qui sont en croisade contre la fraude et ceux pour qui le métier est avant tout un métier d’aide et de soutien.
Madame Keouikenon fait partie de la deuxième catégorie. C’est elle qui est chargée de suivre madame Padbeurdan.
Voilà qu’un jour, lors d’une visite programmée à madame Padbeurdan, elle a l’impression qu’il y a du changement. Logement mieux tenu, air un peu gêné de la dame, deux couverts séchant sur l’égouttoir… plusieurs autres petites choses aussi. Rien de déterminant, mais mis ensemble, tout cela la convainc que la situation a changé. D’autant que Mme Padbeurdan élude les questions… Le hasard fait qu’arrive son fils. La voyant occupée, il se contente de l’embrasser et s’en va en lui disant : « Et merci pour le coup de main, je ne voyais vraiment pas comment payer cette note. » Aux questions de l’assistante sociale, madame Padbeurdan ne répond pas vraiment, « oh ! trois fois rien », elle botte en touche…
De retour au CPAS, madame Keouikenon est perplexe et embarrassée. Elle doit rédiger son rapport de visite, lequel comprend des rubriques imaginées par sa cheffe de service : « Avez-vous remarqué des changements dans le logement du bénéficiaire ? Dans son attitude ? »
Bien sûr, elle n’a rien de bien concret, juste des impressions… Elle pourrait faire comme si de rien n’était, passer sous silence ce qu’elle a vu et entendu. Elle hésite à investiguer plus avant. A faire une visite surprise au cours de laquelle elle demanderait à jeter un coup d’œil dans la chambre, la salle de bain… ? A rencontrer le fils pour en savoir davantage…
Et si elle en parlait à ses collègues ? Mais elle sait que cela parviendra vite à la cheffe de service. Et elle connaît la procédure mise en place quand il y a des doutes sur un bénéficiaire : visite approfondie du logement (comprenant la fouille des armoires, du frigo…), consultation de toutes les institutions connectées au réseau du CPAS, questions posées au voisinage et à l’entourage, etc.
Madame Keouikenon se demande jusqu’où aller dans sa mission d’assistante sociale au sein d’un CPAS. Qu’est-ce qui est acceptable, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Au nom de quoi ?… Face à des responsables hiérarchiques qui promeuvent des pratiques qui lui semblent très contestables, que devrait – ou pourrait – faire un assistant social ?
Et vous, si vous étiez à la place de madame Keouikenon, que feriez-vous fait pour agir déontologiquement ? Construisez votre réflexion en recourant à une délibération éthique.
Après la lecture de la première situation, un rappel : le directeur du CPAS (équivalent du CCAS en France) est obsédé par les fraudes et a fait un questionnaire. Une des questions est : « Avez-vous remarqué des changements ? » ; Madame Keouikenon n’a que des impressions ; elle peut se dire qu’elle n’a rien de concret mais elle peut aussi enquêter. Jusqu’où doit-elle et peut-elle aller ?
2. Madame QUICKEBAC est bien embêtée
M. et Mme Khemkhoum1 ont un enfant de 3 ans, un autre d’un an et demi et madame est enceinte d’un troisième, attendu pour dans 6 mois. La famille bénéficie d’un logement géré par une SPIP (Société Immobilière de Service Public) depuis 2 ans.
Lors d’un cours d’alphabétisation que Mme Khemkhoum suit à l’Etoile des neiges, une des participantes lui dit que, comme leur famille va s’agrandir, elle et son mari pourraient faire une demande de logement plus spacieux.
Monsieur Khemkhoum va dès lors téléphoner à l’assistante sociale de la SISP, madame Quickebac, pour savoir si sa famille, du fait de l’arrivée d’un troisième enfant, pourrait déménager dans un logement plus grand. Rendez-vous est pris avec le couple. La dernière visite de madame Quickebac chez les Khemkhoum remonte à un an.
Lorsque monsieur lui ouvre la porte, elle est surprise de son changement d’apparence : il s’est laissé pousser la barbe et porte une djellaba. Quant à madame, elle a troqué le voile contre un jilbab (= ample vêtement qui couvre les cheveux et tout le corps, hormis les pieds et les mains).
En faisant le tour du logement, d’autres éléments interpellent l’assistante sociale, dont elle fait part au couple. Par exemple, quand elle s’étonne de ne pas voir de télévision, monsieur dit qu’ils l’ont vendue, parce qu’on n’y voit que de la débauche. C’est comme la musique, ajoute-t-il, ce sont des inventions de Satan. Il n’y a quasi pas non plus de jouets, pas de poupées. On ne peut pas mettre dans les mains des enfants des représentations de créatures ayant une âme, argue-t-il. Par ailleurs, monsieur ajoute qu’il rentre d’Iran, et qu’il a pour projet de prêcher la vraie religion aux jeunes adolescents du quartier.
Concernant la demande des Khemkhoum, madame Quickebac sait qu’elle sera refusée parce que certains des critères pour bénéficier d’un logement plus spacieux ne sont pas remplis. Mais c’est autre chose qui la tracasse. Doit-elle parler à ses collègues des aspects de la visite qui l’interpellent ? Doit-elle dénoncer la famille auprès de la police ? Rédiger son rapport en ne mentionnant que les informations techniques ayant trait à la demande de déménagement ?
Qu’auriez-vous fait pour agir déontologiquement ? Construisez votre réflexion en recourant à une délibération éthique.
Les noms utilisés sont des noms d’emprunt.
Méthodologie
Les étudiants ont travaillé en sous-groupes, deux sous-groupes par situation. Deux animateurs présentent le résultat de la réflexion collective.
Cette réflexion s’appuie sur une méthodologie : les étapes de la délibération éthique présentées ci- dessous.
- 1 – Décrire la situation
- 2 – Poser le dilemme
- 3 – Exprimer ses réactions premières
- 4 – Considérer les acteurs, les enjeux, les valeurs
- 5 – Examiner le problème « en tous sens »
- 6 – Opter pour un modèle éthique
6.1 – Modèle conséquentialiste (priorité aux enjeux)
6.2 – Modèle déontologiste (priorité aux valeurs)
6.3 – Modèle vertuiste (priorité aux acteurs) - 7 – Prendre une décision et en évaluer la pertinence
7.1 – Faire un choix – Préséance donnée aux arguments : conséquentialistes ; déontologistes ; vertuistes
7.2 – Vérification de la pertinence du/des choix - Critère d’impartialité : Est-ce que l’exposition de mes raisons d’agir convaincrait un jury impartial ?
- Critère de réciprocité : Si j’étais à la place de la personne qui perd le plus dans la décision et si j’écoutais les raisons présentées, est-ce que je trouverais la décision raisonnable ?
- Critère d’exemplarité : Est-ce que les raisons qui justifient ma décision seraient elle applicables dans ces cas analogues ?
Les réflexions sur la situation 1
- Réponse du premier groupe
« Nous étions outrées au départ par les fouilles : aller voir le frigo ! Mais avec la réflexion, nous avons bougé. Notre raisonnement s’appuie sur deux axes : le juridique et l’axiologique.
D’un côté, le devoir de collaboration. Mme P ne répond pas, ne collabore pas, évite. L’enquête sociale est obligatoire et chaque année une VAD est obligatoire.
De l’autre côté, le droit au respect de la vie privée. C’est nuancé : si le bien-être économique du pays est menacé, une investigation est justifiée. Le problème des finances publiques peut justifier une atteinte.
Le secret professionnel par rapport aux collègues et ses conséquences. Nous considérons que les conditions du secret partagé ne sont pas réunies : si elle parle aux collègues, suite au positionnement de la chef, il y aura automatiquement enquête. Mais ne pas en parler pose aussi problème.
Au niveau axiologique c’est la question de la marge de manœuvre : quelle marge de manœuvre a-t- elle sans être en contradiction avec son institution ?
Le principe de loyauté suppose de ne pas prendre l’usager par surprise. Le principe de transparence suppose de clarifier le mandat auprès de l’usager. Le principe de proportionnalité, c’est le code. Les moyens doivent être proportionnés, appropriés en fonction des soupçons. Là, il n’y a pas une grosse BMW.
Le modèle différentialiste : s’il y a une enquête, Mme peut perdre ; pour le CPAS, il reste dans ses missions.
La solution proposée : l’AS prend rendez-vous avec la bénéficiaire, refixe le cadre, dit et clarifie les soupçons. S’il n’y a pas de collaboration, alors elle mène une investigation plus poussée. Il n’y aura pas de surprise et l’AS respecte ses valeurs. Elle va auprès de la bénéficiaire et s’il y a investigation, c’est à partir de faits. »
- Réponse du deuxième groupe
« Le dilemme est : doit-elle appliquer la procédure ou garder ses impressions pour elle ?
– Chacun a le droit de vivre comme il le souhaite et on n’a pas à entrer dans l’intimité d’autrui. Des fraudeurs profitent du système.
– Le CPAS est trop dans le contrôle, c’est frustrant pour l’AS, pourquoi s’y soumettre ?
– L’AS doit remplir le formulaire
– L’AS ne doit pas le remplir à partir de soupçons
Les acteurs : le directeur, la cheffe, l’AS
Si elle applique la procédure, elle est trop intrusive = rupture du lien de confiance ; si elle ne le remplit pas elle risque d’être licenciée et de participer à la hausse des tensions dans le service. Pour Mme le contrôle intensif aboutit à une perte et le CPAS sera une instance de contrôle et pas de confiance.
Une analyse politique est nécessaire.
C’est la question de la différence de valeur entre fraude fiscale et fraude aux aides sociales. La perception indue d’une allocation est le cas le plus typique de la fraude sociale.
Une logique de deux poids deux mesures. C’est d’actualité : la fraude fiscale coûte considérablement plus que la fraude sociale, mais le soupçon permanent pèse sur l’ensemble des personnes aidées ; Il y a 500 paradis fiscaux. L’AS pourrait donc considérer que l’essentiel de la fraude est fiscal alors que l’essentiel du contrôle est sur la fraude sociale, et donc elle pourrait garder pour elle ses soupçons. »
Conclusion : deux approches pour les deux groupes : une approche pragmatique et une approche politique.
Christiane Van Hanoven : « Bravo pour le processus de réflexion. Un rappel concernant la législation : le législateur a choisi que le CPAS soit une instance de niveau communal : être au plus près des citoyens pour répondre à leurs besoins. La loi est au-dessus des institutions : nous devons la respecter, mais les élus aussi doivent la respecter !
Le CPAS apporte une aide aux personnes en situations de besoin ; ce sont des valeurs humanistes, c’est le côté militant. Il y a le niveau des institutions et celui des usagers. On peut les aider à exprimer leurs revendications. Une mission : être proche des gens pour révéler leurs besoins. Donc 1ère chose : bien maitriser la Loi.
Clarifier comment on perçoit notre mission. Si ça n’est pas clair, il faut le clarifier avec les usagers. Ne pas jouer les faux-jetons, ça veut dire ne pas prendre les usagers par surprise, enquêter en douce auprès des voisins…non, il s’agit de parler avec elle ; si on a des retours d’autres intervenants, toujours les ramener à la personne.
À la question : y-a-t-il une intention de fraude ? Il y a du boulot. »
Valérie de Summer : « C’est de la solidarité communale mais c’est remboursé par le CPF intégré au niveau régional. Les travailleurs sociaux sont les garants de la loi ; on peut rappeler que ça ne va pas mettre en balance le budget de la commune. Votre analyse est très pertinente.
Rappel des enjeux financiers :
- Un isolé : 855 euros /mois
- Un cohabitant : 580 euros /mois
- Avec charge de famille (conjoint sans revenu, ou un enfant, ou un membre de la famille) : 1100 euros /mois
-Vincent (étudiant français) : « en France c’est national = égalité sur tout le territoire. Le contrôle du frigo, ça nous interpelle ; ça questionne la relation de confiance. »
CVH : « Par rapport au contrôle, le droit au revenu d’intégration est lié à six conditions très précises : résidence, nationalité, sans revenus, être disposé à travailler, ou empêché de travailler pour des raisons de santé ou d’équité. Là, le travailleur social évalue. Une mère qui n’a pas de revenus, mais qui s’occupe d’un enfant gravement handicapé, n’est pas disponible pour travailler. »
Autre condition : avoir fait valoir ses droits, par exemple à une pension ; il y a une aide des TMS pour ça. Le contrôle, c’est pour vérifier cela, l’indigence ou l’état de besoin.
La priorité c’est la relation de confiance et le respect de la vie privée ; donc pas de contrôles des brosses à dent : on n’est pas des huissiers ; il faut bien se le mettre dans la tête. »
Nawelle : « C’est un peu la gentille AS parfaite, mais sur le terrain c’est différent ; beaucoup d’AS sont dans le contrôle et autour de nous on voit des contrôles de frigo. »
CVH : « Dans la loi il y a des nuances, le CPAS s’y glisse, avec par exemple le droit à une vie privée, mais il y a des dérogations. » Suite au retour de Vincent : « comment avoir un lien de
confiance : avoir un revenu est un enjeu extrême ; alors raconter que je suis allée en Espagne en vacances cet été, c’est risqué ; je peux perdre mon allocation. Il y a des pressions politiques +++ mais aussi des pressions sociales +++ »
Michel GUISSARD : « Des jugements posent question. Quand en appel, un juge estime qu’un AS peut suivre en voiture un usager pour vérifier qu’il ne va pas rejoindre son amie…
Un acteur important, c’est le réseau, c’est l’ensemble des travailleurs sociaux, le comité de vigilance, le comité des villes. Réfléchir ensemble. Il y a des pratiques pas éthiques ; avant de respecter des consignes injustes, on peut aller voir des collègues. Gardez le contact entre vous.
La fédération des CPS Wallons : « On vit sur le terrain. Les CPS ont une autonomie juridique par rapport aux communes ; c’est très important : les instances communales n’ont pas à tout connaitre de leurs citoyens.
Mais les CPS risquent de disparaitre et d’être intégrés aux communes ; or le collège communal, c’est public, ce qui pose un problème déontologique.
Nous sommes tous des citoyens, nous n’avons pas les mêmes valeurs, pas les mêmes postures… Les CPAS datent de 1976. Relisez la loi et son article 1er : le droit de vivre dans des conditions dignes. En 1976 pas de GSM (tel° portable), en 2016 le GSM est-il indispensable ?
C’est violent ; le gouvernement de droit multiplie les restrictions.
Relire Jean-François Gaspard et ses différents types de travailleurs sociaux : cliniques, contrôlant, militants (pas un combat entre les bons et les méchants) + le profil humanitaire, comme dans une ONG, un défi social. Une population développe des troubles en santé mentale. En CPAS un vrai accompagnement social. On nous demande de former les travailleurs sociaux à ce sujet.
Ne vous arrêtez pas à trois années d’étude. Il faut faire remonter au niveau politique ce qui se passe sur le terrain.»
Une étudiante à CVH : « Dans notre recherche nous voyons qu’il faut un contrat de bail pour avoir un contrat d’intégration ; comment avoir un contrat de bail sans revenu ? »
Et une question à Valérie DS : « Que fait la confédération à ce sujet ? A Bruxelles les loyers sont très chers et les plafonds, les taux, sont en contradiction avec cette réalité.
VDS : « La loi interdit d’ajouter une condition aux six conditions. Donc un CPAS qui motiverait un refus de RIS par l’exigence d’un bail perdrait au tribunal. Expliquer comment introduire un recours : les personnes ont le droit de défendre leurs droits. La demande de bail est illégale. Le SPP Intégration sociale l’a confirmé. »
CVH : « J’ai eu la chance de travailler dans un tout petit CPAS, dans le Brabant. La loi avait imposé qu’il y ait un directeur général, un receveur et un travailleur social. J’avais dit que jamais je ne travaillerais dans une commission d’assistance publique, selon les termes de l’époque. J’ai rencontré des collègues d’autres CPAS, on a fait des réunions, en s’invitant. En voyant comment les autres pratiquaient, ça s’est étendu.
Le fait de connaître la loi est important. Par exemple en 99, avec la loi sur la ′′faillite familiale′′ (terme français), on a vu que les juges accordaient six euros par jour quand on accordait quatre euros. On s’est alignés, mais c’est parce qu’on faisait une veille, qu’on se tenait au courant et qu’on avait lu les jugements. »
VDS : « La fédération fait du lobbying ; on interpelle le ministre. La situation est terrible, les réponses sont incohérentes. Quand on a vu que le CPAS de Bruxelles était débordé par les demandes d’asile, on a fait en sorte que ça passe par le tribunal.
Pour info, Bruxelles réfléchit à un revenu médian. Uccle et Saint Josse, c’est différent ; Quand il y a un surloyer, le CPAS paiera la différence.
Voir à ce sujet les travaux de l’Institut Saint Louis, c’est alimenté par les professionnels de terrains. »
Les réflexions sur la situation 2
Logement SPIP = Société immobilière de service public.
Une étudiante voilée : beaucoup de sourcils se sont levés par rapport à cette situation ; on est un peu stressées.
La situation est délicate au vu des attentats qui nous touchent tous, français et belges ; J’espère que nous n’offenserons personne ; on est là pour discuter.
Je vais essayer d’être fidèle aux différents groupes. On a eu du mal par rapport à des visions différentes, avec des personnes de compréhension musulmane qui comprenaient, d’autres non. Beaucoup de temps pour poser le dilemme.
Y-a-t-il un dilemme ? Le rôle de l’AS du point de vue du contrôle et du point de vue du devoir de protection.
Faut-il briser le secret professionnel et en parler aux collègues ? Verus respect de la vie privée et liberté de culte.
2ème étudiante : Dans un des groupes cette balance est entre secret professionnel et idée de protéger les enfants.
Le terme de « vraie religion » est flou. Qu’entend monsieur pas vraie religion ? Soutenir le radicalisme, enrôler des jeunes, ou transmettre les principes coraniques ?
On a évalué les deux postulats, le cas où M. jouerait la comédie et chercherait à endoctriner. Quelle différence ? Pour certains, rien de concret. Alors, radicalisation ou pratique assidue ?
3° étudiante, voilée elle aussi : Au départ le groupe voulait dénoncer la famille, puis nous avons fait des recherches théologiques et on a changé d’avis. Il y a une différence entre fondamentalisme et radicalisme. Il y a le salafisme et nous retenons la notion de radicalisme positif. Donc on ne peut appliquer l’article de loi sur l’état de nécessité.
En tant qu’AS je suis interpellée par la volonté de Mr de prêcher. Une d’entre nous propose un deuxième rendez-vous pour vérifier cette dimension de radicalisation. Elle irait aussi à la maison des jeunes pour faire de la prévention et un suivi concernant les enfants.
Conclusion du groupe : en l’absence de danger flagrant, ne pas dénoncer. Ne pas tomber dans une parano. L’AS est venue pour une demande de logement. Mais pas d’objection pour en parler avec les collègues.
Débat inter-groupe :
Du point de vue juridique : voir le texte « aide-mémoire du CPAS »
Article 458 bis du code pénal : prévenir en cas d’infraction : là, pas d’infraction et pas de mineur en danger.
Question du secret professionnel partagé. Mme Q a-t-elle la possibilité de parler à ses collègues ? Qu’est-ce que ça apporte ?
Deux droits fondamentaux : au domicile, et à la vie privée.
Y-a-t-il un risque de radicalisation suite à ce problème de logement ?
La famille doit se sentir respectée. L’AS est surprise. Article 18 de la déclaration universelle des droits de l’homme. Être prévenant et distinguer pratique assidue de la religion et fanatisme. Mais ça peut paraitre bizarre de refuser la télévision et la musique.
L’Islam est une religion du juste milieu et refuse tout extrémisme.
On a questionné les doutes de l’AS : la barbe, le long voile de Mme. D’après les versets du Coran, les Hadiths, cela ressort de la religion. La barbe est une façon de se distinguer des autres religions. Les propos de Mr sont douteux, il revient d’Iran.
Par rapport à la djellaba, c’est une question culturelle, comme le boubou des africains.
Les pistes sociologiques :
Fahrat Kurtsokavat : La radicalisation est l’articulation entre une idéologie extrémiste et une action qui l’accompagne. Là, pas d’action violente, rien de concret. Si on se base sur notre cours de sociologie, Robert Castel évoque la fragilisation sociale, professionnelle et socio-relationnelle. Mme suit des cours d’alphabétisation. La demande de logement témoigne d’une démarche d’insertion.
Autre groupe : Nous sommes interpellés par les propos du père et sa volonté d’aller prêcher auprès des jeunes du quartier. Mais notre mission n’est pas de se substituer aux services de police et aux agents secrets. Mais il y a des enfants, les jeunes du quartier…qu’on ne doit pas oublier.
(cf. Bernard de Voice, délégué aux droits de l’enfant, qui pointe le développement de la défiance sociale ; c’est le piège dans lequel il ne faut pas tomber.)
Paul Magnette qui pousse les travailleurs sociaux à dénoncer la radicalisation. Des questions par rapport à un risque de dérive vers un rôle policier.
Par rapport à la prise de décision : Pas de légitimité à dénoncer à la police ; pas lieu non plus d’en parler aux collègues ; s’en tenir aux faits observés.
Mon groupe a choisi le modèle conséquentialiste mais était aussi prêt à choisir un modèle déontologique : le principe prime sur le reste ; priorité aux valeurs et au respect de la vie privée ; donc privilégier le lien de confiance.
Dénoncer : l’information va circuler et mettre en danger l’agence et les travailleurs sociaux.
Donc des priorités différentes selon les groupes ;
Dénoncer n’est pas dans son mandat… Nous n’avons pas vu d’indices précis de radicalisation : il n’y a pas de rupture familiale, la famille cherche à s’intégrer. Il y a un risque d’engrenage.
Ph Fabry : deux propositions :
- Lire le dossier : « laïcité et égalité, pour une posture professionnelle non discriminatoire – Cliquer ici
Voir en particulier la partie sur la mutation du religieux et le chapitre « Discerner le fait religieux du symptôme de mal-être social, voire du processus sectaire radical » - Vous oubliez les enfants. Ils sont peut-être très heureux dans une famille piétiste soudée autour de la religion, peut-être pas. Cela demande d’aller voir et de se poser les questions qu’on doit se poser pour tout enfant ; quelle que soit l’origine ou la religion des parents : l’enfant a-t-il des camarades ? Est-ce que ça va à l’école ?
Une étudiante : « J’ai été interpellée ; j’étais observatrice. Tout au long de notre formation, c’est la situation la plus compliquée à analyser. Quand la situation a été proposée, le cours a duré trois heures dont deux heures pour se mettre d’accord, pour retomber dans un état de neutralité. Tout le monde se sentait visé, attaqué, avec vite le jugement, des interprétations sans fin.
Pour retrouver cet état de neutralité il a fallu écouter chacun ; on se noyait dans la forme plus que dans le fond, avec nos préjugés et ce qu’on croyait savoir sur le radicalisme, et puis les attentats ; il faudra faire avec.
Quand les gens ont commencé à s’écouter, c’est quand on a fait des recherches sur ce que ces aspects signifiaient. Tout un bagage médiatique ; personne n’avait de bagage intellectuel. Je suis heureuse de ce travail, un grand travail de tolérance. »
VDS : « C’est une situation de terrain, vécue. On a fait les mêmes analyses que vous, à partir des mêmes questions. On est face à des êtres humains mais il y a tant d’émotions…C’est une situation qui avait été exposée le 25 mars ; suite aux attentats de Paris le gouvernement nous avait demandé de détecter la radicalisation.
Nous avons eu des intervisions, des analyses de pratiques entre pairs de 1ère ligne. On a demandé aux travailleurs sociaux : sur le terrain, en dehors du médiatique, que constatez-vous ? C’est impressionnant de voir le professionnalisme des travailleurs sociaux par rapport à l’éthique.
On a commencé les échanges le 25 mars et on a eu les attentats le mardi. Dès le jeudi, on a repris nos outils avec une première démarche : décrire.
Une AS nous a dit : ça m’a permis de ne pas rester toute seule avec ça. Psychologiquement, ça tourne, « je suis abattue, comment garder le secret ? » ; « à qui tu le dis ? » : à quelqu’un de confiance dans le service.
Décoder. Dans cette situation y-a-t-il une situation de nécessité ? Non. Est-il urgent d’aller le dire ? Non.
Elle est venue pour le logement. Ils n’ont pas obtenu le logement pour une raison technique qui dure depuis plusieurs mois. Mais la situation la perturbe à cause des enfants. »
Olivier Roisin a expliqué les différences entre radicalisme et la notion de radicalisme modéré – ici.
Les terroristes se sont noyés dans la masse et il y a des propos inquiétants. Il faut garder une relation de confiance ; ne restez pas seuls mais évaluer à qui vous parlez. Le délégué général aux droits de l’enfant a souligné la question du regard – se référer
CVH : « Oui, les attentats ont changé le regard ; si je vis une séparation et que j’accompagne une personne qui vit une séparation, je suis affectée ; être clairvoyant. Il y a des voyants rouges, je règle mon problème, je calme ma peur, mon angoisse ; la discussion permet de mettre à distance. »
Michel Guissard : « Des moments pour se lâcher et des moments pour passer à l’analyse, ici avec trois niveaux de réflexions : théologique ; juridique ; sociologique. »
Elysabeth (étudiante française) : « Nous avons un autre métier, ES, j’admire votre travail, vous avez beaucoup de chance. »
P Fabry : Conseil de lecture : Margalit Cohen Emerique et sa grille d’analyse des chocs culturels – cliquer ici
Michel Guissard : « Une question qui fâche : on fait quoi avec les enfants ? »
Une étudiante : « On a parlé des enfants, de la femme, de la mère, du père, puis on a parlé de la famille ; le père ne représente aucun risque pour ses enfants. Il faut respecter l’autorité parentale. »